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Maïder Fortuné

Maïder Fortuné développe un travail vidéo fondé sur l’image et sa fabrication à partir d’un motif ou d’un processus de mise en scène, depuis quelques années, cette démarche s’articule autour d’un désir de récit et d’écriture. Depuis 2014, elle collabore avec Annie Macdonell, ensemble, elles développent des narrations comme formes où le langage et l’image se construisent et s’augmentent mutuellement. Nourries de leur pratique de l’art et de leur enseignement, les réalisatrices injectent ces expériences dans leur production artistique, comme dans la conférence performée Stories are Meaning-Making Machines (2015) où elles reviennent sur leur rencontre, leur implication dans une école d’art française et leurs premières réalisations, investissent la question du récit et de l’école. Sous la forme de docu-fictions, Maïder Fortuné et Annie Mcdonell posent une méthodologie féministe et située, enseignantes depuis de nombreuses années, elles tendent à travers une trilogie de films de construire un récit critique où les tensions inhérentes à la pratique artistique s’articulent à la dimension du politique dans l’art. Le premier film, Communicative Vessels (2020) s’intéresse au rapports et aux rôles existants entre étudiante et professeure à travers l’incertitude des hiérarchies et du jeu de miroir qui s’opère. Outhere (for Lee Lozano) (2021) part de la figure de l’artiste conceptuelle et d’un cours/conférence en revenant sur un dispositif pédagogique radical proposé dans les années 1970, esquissant les limites du cadre institutionnel autant que le modèle artistique actuel remis en cause.

Win Last Don’t Care vient clore cette trilogie dédiée à la pédagogie en art et interroge l’écriture des films sur l’art à travers une pensée féministe sur les rôles des différentes figures. La figure de l’artiste est ici suivie à travers l’école d’art, sa communauté et sa précarité. En tant que décor de tournage, l’école d’art incarne au sein du film un espace plastique en perpétuel changement, autant qu’un outil narratif se posant comme lieu de l’enquête mettant en exergue la crise des institutions artistiques et des possibles approches de son dépassement. Mêlant film, installation et reenactement des luttes des années 1970 et notamment de l’audition de l’Art Workers’ Coalition, ce récit s’écrit avec les voix des étudiant.es engagé.es avec qui elles travaillent. Cette recherche filmique propose une réflexion sur les écoles d’art, ses institutions en danger, en examinant ce que cela signifie faire de l’art dans le contexte du capitalisme tardif, à partir de l’école d’art comme laboratoire de transformations sociales contemporaines. Les moments documentaires et fictionnels permettent de basculer dans plusieurs grammaires en passant par l’histoire de l’art pour émettre un parallèle possible avec notre époque et les potentiels qui restent encore à activer.

* Texte écrit pour l’AIC - Drac Île-de-France